Déraciné

Tout à coup il chavire
Emporté vers l’inconnu
Il était avec ses amis
Et maintenant il est perdu
Le sol sous lui se dérobe
Ses certitudes s’étiolent
Il se sent aspiré
Vers une autre réalité
Une vie d’arbre
Qui s’en soucie
La forêt est de marbre
Il n’est qu’une brindille
Il aimait sentir la sève
Monter dans ses feuilles
Des souvenirs émergent
La rosée au coin de l’œil
Les amoureux écorchant sa peau
Avec leur Opinel
Le saignant de leurs mots
Qui se voulaient éternels
Le vent sifflant dans ses branches
En hiver, sa cime blanche
La pluie sur son tronc, ruisselante
Un pivert le martelant
Aujourd’hui Il aimerait ressentir
Ses coups saccadés
Lui rappelant qu’il était en vie
C’étaient les belles années
Le liseron qui le chatouillait
Les champignons à ses pieds
Dans les nids qu’il abritait
Ces oisillons qui piaillaient
Logeant à bien plaire un écureuil
Des chenilles dévorant ses feuilles
Toutes ces choses qui l’agaçaient
Et qu’il regrette désormais
Il était si fier debout
Maintenant à genoux
Ses racines sous la mousse
Il a la frousse
Il n’est pourtant pas vieux
Mais fini les jours heureux
Il n’y aura pas d’autres printemps
Pour lui, c’est la fin des temps
Il espère faire un grand bruit
Quand il touchera le fond
Pour qu’on se souvienne de lui
Comme dernière oraison